Après mon séjour chez Manu le vigneron, je me suis arrêtée dans une région que je ne pensais pourtant pas faire : Le Pays Basque.
J’avais une vision un peu clichée de ce coin. Je pensais n’y trouver que des petzouilles en Ferrari vers Biarritz, et des surfeurs semi-blonds le torse tout bronzé et musclé sur les plages. C’est un peu réducteur, mais ce coin ne m’attirait pas de masses.
J’ai finalement suivi les conseils de tout le monde, et ai décidé d’y faire un arrêt. Je me suis retrouvée sur le terrain de copains à Manu, dans les hauteurs de Saint-Jean-De-Luz. J’y ai été accueillie par Caroline, et un ami québécois, Pierrot. Lors de notre première rencontre, ils m’attendaient tous les deux assis face à la mer, au milieu de cet endroit où vit librement et follement la nature.
Grâce à Caroline, j’ai pu découvrir le Pays Basque avec des yeux tout doux. Elle avait plein de randonnées à me conseiller, de coins à voir et à visiter. Je faisais ma vie la journée, et les retrouvais le soir, avec souvent d’autres amis qui s’ajoutaient, le temps d’un apéro ou d’un barbecue. Elle m’a permis de voir ce qu’est l’accueil au sens propre du terme. Elle m’entourait d’une telle générosité, à me présenter ses amis, être sûre que je ne sois pas seule trop longtemps, me proposer plein de choses différentes pour se voir… C’est le genre de personne qui donne sans compter, juste parce que partager la remplit amplement, et c’est beau à voir.
J’ai vite compris que j’allais rester un moment au Pays Basque, or rester sur le terrain aurait voulu dire vivre sans eau courante ni électricité, et aller aux toilettes face à la mer, parce qu’on ne met pas de porte entre nous et la nature. Même si j’adore le concept, j’avais dur à m’imaginer y vivre pour plusieurs semaines, et me suis donc trouvé un emplacement dans un camping. Alors que je voulais juste passer dans la région, j’y suis restée trois semaines. Avoir la mer, la montagne, et le soleil, c’est le rêve. Ajoutez à ça une journée en Espagne de temps en temps, et tout va bien dans le meilleur des mondes.
J’y ai aussi découvert le sport national : la pelote. Je me suis amusée à voir des gens jouer une sorte de squash contre un mur, avec tout le village autour. C’est un sport qui amène une belle énergie et surtout qui rassemble. Tout le village est là, on regarde, on papote, on commente. Ce que j’aime dans la vie de village, c’est de voir cette communauté au grand jour. Tous les weekends il y a une fête quelque part, puis surtout, on parle basque. Avec les “x” qui sont en fait des “ch”.
Lorsque tu pars marcher dans ce coin-là, les animaux sont en liberté. Systématiquement tu croiseras des chevaux, vaches, moutons et brebis qui gambadent gaiement. Une bonne rando ne peut exister sans chevaux à un moment, et leurs cloches qui annoncent au loin leur présence.
Mariam – une amie de feu qui est vraiment la plus belle – m’a alors rejointe, et j’ai adoré pouvoir lui montrer ce petit bout de France qui me touche tant.
Après mes nombreux “Oh c’est beau !”, quand je m’émerveille devant un paysage, elle accepte de quitter le Pays Basque pour me suivre dans ma folie des montagnes et s’enfoncer un peu plus loin dans les Pyrénées. Mariam ne rêvait que de voir des nuages accrochés aux montagnes. Une réelle passion pour elle. Elle a eu de la chance, le temps n’était pas dingue, et nous avons pu faire une splendide randonnée à plus de 2.000 mètres, dans les nuages, avec une visibilité de maximum 30 mètres. Elle était aux anges, et j’étais affreusement déçue par ma vue inexistante. Nous avons encore vu pas mal de chevaux, et surtout des vaches. Lors d’une randonnée sur un pic, nous nous sommes faites courser par une vache, et clairement, c’est pas marrant. Après un long détour, un mur d’escalade naturel, et quelques chardons dans les mains, on a pu dépasser le troupeau. Depuis ce moment, c’est la panique qui nous anime quand on entend le son d’une cloche raisonner au loin. Elle venait pour dix jours, on pensait toutes les deux secrètement que c’était beaucoup dix jours à deux, mais finalement, c’est passé vite, et j’ai adoré.
Mariam a été remplacée par Gabriel, un copain du Pays Basque, qui est venu me rejoindre pour une semaine, et qui était clairement prêt à randonner. Pour l’occasion, il s’était offert un magnifique chapeau à la Indiana Jones et des lunettes de soleil qui flottent dans l’eau. Il avait la dégaine d’un randonneur, à qui il manquait juste accessoirement des chaussures de marche. D’ailleurs, les baskets qu’il avait pour l’occasion ont été déchirées par le talon d’un cheval lors d’une de nos balades. Il est arrivé tout beau et propre, dans une chemise bleu clair, et est reparti avec des chaussures trouées et ses lunettes flottantes perdues dans la nature. Seul le chapeau aura donc subsisté. Le point culminant du périple a été lorsque nous sommes partis randonner et bivouaquer dans la montagne. Nous cherchions un endroit plat pour poser la tente, et avons trouvé un magnifique spot sur la crête d’une montagne. La vue était splendide, certe, mais le vent aussi. Nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit tant le vent soufflait et pliait la tente. Autant vous dire qu’à 5h40, dès les premiers rayons du soleil, nous quittions notre spot de rêve.
Avec le recul, je me rends compte qu’un voyage seul.e, c’est une constante évolution. Ton petit “toi” qui part avec ses acquis, et qui accepte en voyageant de tout remettre en question et d’évoluer.
Ce qui m’a surprise dans les nouvelles rencontres que j’ai faites, c’est qu’elles ont toutes des points communs. C’est une manière de voir en miroir ce vers quoi on tend, ce à quoi et à qui on s’identifie le plus. C’est extrêmement riche que de pouvoir faire table rase de cette manière, de couper qui nous sommes dans notre vie habituelle, afin de se confronter à qui nous voudrions être dans notre vie de lâcher-prise, quand aucune contrainte n’est là pour nous rattraper. La grande question qui me reste maintenant est : comment continuer sur cette lignée, ce chemin de vie, tout en gardant ce qui me tient à coeur de ma vie d’avant. Ne pas m’y perdre, mais plutôt voir cela comme une continuité. Puis surtout, comment en revenir, ou quelle suite créer de tout cela.
Je sais que là je suis à l’étape de déconstruction, ou plutôt de construction. Le tout va être de pouvoir continuer ce chemin, sans faire l’erreur de retourner dans ma vie d’avant par peur. Parce que le changement, les grosses évolutions, ça fout les boules. C’est prendre le risque que ça ne marche pas. Alors on hésite, on réfléchit, puis au final, on tente le grand saut dans le vide.
On ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où on va.
Christophe Colomb